Ayant pris ses fonctions de chef du gouvernement britannique le 5 juillet dernier, Keir Starmer n’a pas perdu temps : à peine deux semaines plus tard, il a en effet confié à George Roberston, un ancien secrétaire général de l’Otan, le soin de diriger les travaux d’une nouvelle stratégie de défense, alors que celle actuellement en vigueur avait été publiée en mars 2021 [et «ajustée» deux ans plus tard, pour prendre en considération les effets de la guerre en Ukraine].
Visiblement, les premiers ballons d’essai n’auront pas tardé à être lancés. Ainsi, lors du salon aéronautique de Farnborough, le ministre britannique délégué aux Forces armées, Luke Pollard, a mis un bémol sur le projet d’avion de combat de 6e génération devant être issu du GCAP [Global Combat Air Programme], mené en coopération avec l’Italie et le Japon.
«Ce programme est très important pour nous et il l’est aussi pour nos partenaires. Mais je ne peux pas préjuger de ce qui pourrait se passer lors de la Revue [stratégique] de défense», a dit M. Pollard. Et d’ajouter : «Nous avons besoin de capacités de pointe mais nous devons aussi nous assurer que, lorsque nous achetons des systèmes ‘haut de gamme’, nous le faisons de la manière la plus rentable possible, c’est-à-dire en collaborant avec nos partenaires».
Cette déclaration a suscité quelques réactions, comme celle de ce responsable de la Royal Air Force [RAF], selon qui «l’investissem*nt dans le GCAP représentera environ un quart de ce que nous investirons dans le plan d’acquisition d’équipements de l’armée» au cours des dix prochaines années. Expert de l’aviation militaire au Royal United Services Institute [RUSI], Justin Brook a affiché une position plus tranchée. «Le GCAP sera impossible s’il y a un conflit en Europe dans les cinq prochaines années parce que l’économie mondiale se sera complètement effondrée».
Un autre coup de sonde a été donné le 25 août. Dans son édition dominicale, le journal britannique The Telegraph a relayé les préoccupations de plusieurs «sources du secteur de la défense» au sujet du nombre de chasseurs-bombardiers F-35B [à décollage court et à atterrissage vertical] que la RAF et la Fleet Air Arm [l’aviation embarquée de la Royal Navy] posséderont dans les années à venir.
Ainsi, ces «sources» ont indiqué au Telegraph qu’il «y avait des inquiétudes croissantes quant aux fait que le ministère de la Défense [MoD] pourrait réduire le nombre de F-35B à acquérir car il a déjà du mal à trouver les fonds pour financer ceux qu’il s’est déjà engagé à acheter».
Pour le moment, le Royaume-Uni a reçu 34 F-35B sur les 48 exemplaires déjà commandés. Initialement, il était question pour Londres d’acquérir 138 appareils de ce type [114 pour la RAF, 24 pour la Fleet Air Arm].
Or, la revue stratégique de défense publiée en 2021 est restée floue sur la cible finale, en affirmant seulement qu’il serait question d’aller «au-delà» des 48 premiers F-35B commandés. Un an plus tard, le MoD fit savoir qu’il avait entamé des négociations avec Lockheed-Martin pour acquérir 26 exemplaires supplémentaires.
«L’objectif est de pouvoir aligner ces nouveaux avions au début de la décennie 2030», avait alors indiqué l’Air Chief Marshal Sir Richard Knighton, le chef d’état-major de la RAF, lors d’une audition parlementaire. Et de préciser qu’une décision sur l’achat de 64 F-35B de plus [afin d’arriver à la cible de 138 appareils] allait être prise «aux alentours de 2025″… et qu’elle dépendrait des développements du GCAP.
2025 ? Nous y sommes presque… Et aucun accord sur l’achat des 26 F-35B [voire 27, pour remplacer celui a été perdu en Méditerranée en 2021] ne s’est concrétisé pour le moment.
Ancien chef de la British Army, le général Richard Dannatt a estimé que ce serait de la «folie» de ne pas acquérir davantage de F-35B… après avoir construit deux porte-avions capables d’en accueillir au moins 36 à leur bord. Faute de quoi, a-t-il dit, «l’ensemble du programme ‘Carrier Strike Group’ pourrait ressembler à un éléphant blanc».
Cutting our F35 fleet would put the UK in danger👇
Increased global threats are already placing challenging demands on UK defence.
Let’s remain committed to the original programme and be better prepared for testing times ahead.
Gathering storm clouds means we must come to… pic.twitter.com/8OaQNnUhYp
— Tobias Ellwood (@Tobias_Ellwood) August 26, 2024
Il faut dire que l’armée britannique a vu ses ressources financières se réduire… pour financer les porte-avions HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales… Autant que cela n’ait pas été fait en vain…
Alors que M. Starmer a annoncé des temps difficiles aux Britanniques après avoir fait état d’un «trou noir» budgétaire de 22 milliards de livres sterling dans les comptes publics cette année [«trou noir» qu’il a lui-même contribué à creuser en autorisant 9 milliards de dépenses nouvelles dès son arrivée au 10 Downing Street], la Royal Air Force pourrait se trouver dans une situation délicate… alors qu’il a déjà été établi que ses capacités étaient insuffisantes pour lui permettre de tenir son rang dans un engagement de «haute intensité».
Prochainement, outre les F-35B qu’elle a reçus, la RAF ne disposera plus que de 107 Eurofighter Typhoon sur les 137 qu’elle compte actuellement, 30 exemplaires de la Tranche 1 devant être retirés du service, faute de pouvoir être modernisés. «Cela revient à vendre des Spitfire avant la bataille d’Angleterre», avait persiflé un parlementaire britannique, en avril dernier.